Alina poussait laborieusement la poussette des jumeaux à travers l’escalier étroit d’un vieil immeuble sans ascenseur. Elle était fatiguée, mais heureuse que les jumeaux, malgré les secousses, ne se soient pas réveillés. À peine sortie du bâtiment, elle se dirigea vers le parc, loin des regards curieux des vieilles dames installées sur le banc, toujours prêtes à la questionner, à observer et à juger.
Elle aurait voulu que sa famille soit plus normale, mais hélas… Son mari, qui n’était pas prêt à fonder une famille, avait littéralement abandonné à l’annonce de sa grossesse. Au début, il lui avait suggéré de se débarrasser de l’enfant. Quand elle lui avait annoncé qu’elle attendait des jumeaux, il avait disparu. Sans même emporter toutes ses affaires.
Au début, elle avait pleuré, mais rapidement elle s’était remise. Elle se consolait en parlant aux bébés, en chantant des chansons pour les rassurer, et en sentant leurs petites secousses comme une réponse. Bien qu’elle ait parfois espéré qu’il reviendrait après la naissance des jumeaux, cela ne s’était jamais produit.
Elle avait dû tout faire seule, gérer la maison, les enfants, et les difficultés. Un canapé démonté dans la chambre des enfants attendait d’être monté, mais ses mains ne réussissaient pas à le faire seule. Elle n’avait pas assez de force. Ainsi, chaque nuit, elle dormait sur un lit de camp.
Un jour, en feuilletant un journal gratuit, Alina tomba sur une annonce pour des services de “homme à l’heure”. Cela semblait être ce qu’il lui fallait. Elle prit son téléphone et appela le numéro indiqué. L’homme arriva deux heures plus tard. Il se présenta comme un type important, entra directement dans la chambre des enfants et commença à assembler le canapé. Les jumeaux l’observaient curieusement avant de se mettre à pleurer, ce qui mit Alina dans une situation encore plus délicate, car son lait avait débordé sur la cuisinière. En courant vers la cuisine, elle se demanda comment les bébés allaient réagir. Mais à sa grande surprise, ils s’étaient calmés d’un coup.
Quand elle revint dans la chambre, elle trouva une scène étonnante. L’homme, accroupi près des bébés, leur parlait dans un langage que les petits semblaient comprendre. Alina, surprise, dit :
Vous vous entendez bien avec les enfants ! Vous devriez envisager de devenir éducateur.
Il sourit légèrement, mais son regard se fit plus sombre.
J’ai moi-même deux enfants… enfin, j’en avais… – répondit-il en détournant le regard.
Vous voulez bien boire un thé ? – proposa Alina, tentant de briser la tension.
Ils allèrent tous les deux dans la cuisine, où Alina servit du thé. En le regardant, elle comprit qu’il portait une grande tristesse en lui.
Vous m’excuserez pour ma réaction, – dit-il après quelques minutes de silence. – Il y a un an, j’ai perdu ma femme et mes deux fils. Peut-être que vous en avez entendu parler… J’ai déménagé ici, ne pouvant plus vivre là-bas. J’aime toujours les enfants, mais c’est difficile de me faire à l’idée que je ne serai plus jamais père. Même si, dans mon cœur, je serai toujours leur père.
Ces mots touchèrent profondément Alina, qui sentit ses larmes monter. Sur un coup de tête, elle se leva et le prit dans ses bras. Ils pleurèrent ensemble, sans un mot, pendant plusieurs minutes.
Est-ce que je peux revenir demain ? – demanda-t-il doucement après un moment.
Alina hocha la tête et lui sourit à travers ses larmes.
Il revint le lendemain. Puis encore. Et peu à peu, il ne partit plus. Ils avaient trouvé l’un dans l’autre ce qu’ils cherchaient désespérément : une relation sincère, basée sur la compréhension, la perte et le besoin de guérison.
Finalement, un jour, ils se retrouvèrent à la même table, celle où ils avaient partagé des moments de tristesse et de réconfort. Ils étaient deux âmes perdues, mais ensemble, elles avaient trouvé la paix.