Marina, au fond du cœur, savait qu’elle n’appartenait pas à ce monde. Ce soir-là, elle s’était retrouvée exclue de l’anniversaire de Roma, son camarade de classe. Le contraste entre son vieux manteau usé et les vêtements dernier cri des autres l’avait fait se sentir invisible. Mais au lieu de pleurer dans l’ombre, elle avait décidé de s’éclipser discrètement, espérant que ce serait un mauvais rêve, mais c’était bien la réalité qui la frappait de plein fouet. La neige, qui tombait doucement dehors, semblait se moquer d’elle, comme si elle était seule à porter ce poids.
Marina se dirigea d’un pas rapide vers un bâtiment qu’elle avait déjà vu de loin. C’était une ancienne imprimerie, maintenant transformée en studio de décors, situé à quelques pas de l’anti-café “Havayya”. Ce lieu, autrefois animé par le bruit des machines, avait maintenant un silence étrange. Le vent soufflait fort, balayant la neige, et elle se retrouva face à la porte, comme si c’était le seul endroit où elle pouvait échapper à sa douleur. Quand elle aperçut de la fumée s’échappant du bâtiment, quelque chose au fond d’elle se réveilla.
Les craintes s’emparèrent d’elle, et sans hésiter, elle entra. L’odeur de brûlé et de peinture fraîche la fit frissonner. Les flammes jaillissaient du panneau électrique. Le danger était réel, mais Marina ne se laissa pas paralysée par la peur. Elle prit rapidement son manteau et le lança sur le tableau pour étouffer les flammes. Les étincelles qui volaient dans tous les sens n’étaient pas plus effrayantes que l’idée qu’elle avait agi sans réfléchir, guidée par un instinct de survie.
Le bruit des portes qui s’ouvraient brutalement la fit sursauter, mais elle ne se retourna pas. Elle s’était lancée dans une mission dont elle ne connaissait pas la fin. Elle savait que la situation pouvait empirer à tout instant. Un cri provenant du haut des escaliers fit écho : “Les bonbonnes de gaz ! Elles sont là, à l’arrière !” Une frayeur soudaine envahit son corps. Elle courut vers l’arrière du bâtiment, déterminée à éviter le pire.
Mais la peur de l’inconnu la poussa à continuer. Elle n’était plus l’adolescente ignorée de l’anti-café. Elle était désormais celle qui agissait dans l’urgence, celle qui pourrait sauver des vies sans même savoir pourquoi elle était ici. Une ombre de fierté se dessina sur son visage, alors qu’elle s’approchait des bonbonnes de gaz, prête à affronter l’inattendu.