Je suis arrivé chez elle pour réparer la chaudière, mais c’est son regard qui m’a bouleversé.
Elle m’a accueilli dans une maison glacée, emmitouflée dans une vieille écharpe, un bonnet délavé et des gants. À l’intérieur, le froid me saisissait bien plus que dehors. Une dame d’une soixantaine d’années, seule, dans une maison simple qui ne laissait pas de doute sur son manque de confort. Sa retraite, manifestement insuffisante, ne lui permettait pas de vivre dans la chaleur, ni même dans la tranquillité.
J’ai passé trois heures à réparer son chauffage : j’ai changé des pièces, redémarré un vieux système, combattu la rouille et l’humidité. Pendant ce temps, j’essayais de détendre l’atmosphère, de plaisanter, de ne pas laisser ce silence lourd envahir la pièce.
À la fin, après avoir réparé le chauffage, elle m’a regardé avec un léger sourire et m’a dit :
« Un plombier qui garde toujours le sourire, ça mérite une bénédiction. »
Je lui ai demandé 50 euros pour le travail, une somme qui, en réalité, n’en couvrait même pas les dépenses. Mais ce n’était pas l’argent qui me perturbait.
Elle m’a tendu un billet de 20 euros, l’air gêné, et a ajouté :
« Je vous donnerai le reste quand je toucherai ma retraite… »
Je suis parti avec un poids sur le cœur, pas à cause de l’argent, mais parce que cette situation ne devrait pas exister dans une société comme la nôtre.
Nous étions le 9 du mois, et elle n’allait recevoir sa retraite qu’à la fin du mois. Avec les jours fériés qui s’interposaient, elle devrait attendre encore plus longtemps avant de pouvoir se chauffer, avant de pouvoir vivre dans un minimum de confort.
Ce n’est pas une histoire de pitié. C’est une histoire de colère. Une colère contre un système qui laisse tomber ceux qui ont fait vivre le pays, contre un monde où les besoins essentiels deviennent un luxe, et où une petite pension agricole ne suffit même pas à traverser deux semaines.
Et pourtant, elle m’a dit avec une douce timidité :
« Monsieur, je n’ose pas vous les donner maintenant. Mais je vous les enverrai dès que j’aurai de quoi… »
Je ne suis pas riche, et je ne veux pas l’être. Mais la véritable pauvreté, ce n’est pas d’avoir peu d’argent. C’est de vivre dans un pays qui oublie les siens.