S’il vous plaît, ne me chassez pas… Je fais que regarder. Je n’ai pas d’argent… » murmura la petite fille d’une voix timide.

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Dmitri passait ses journées derrière son stand de ballons, et chacune d’elles se ressemblait. Le bourdonnement de la ville, les passants pressés, certains s’arrêtant brièvement pour acheter un ballon avant de disparaître à nouveau dans la foule – c’était son quotidien. Une routine qu’il trouvait paisible, bien qu’un peu monotone.

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La plupart du temps, ce sont les enfants qui venaient vers lui, attirés par ses figurines en ballons : lapins, ours, chiens, chevaux… Il leur fabriquait en quelques gestes habiles de petits compagnons colorés. Les enfants riaient, repartaient avec leurs jouets gonflables, et la journée continuait ainsi. Il était habitué à ce rythme.

Mais aujourd’hui, quelque chose était différent.

Une petite fille était là, immobile, depuis plusieurs heures. Elle ne demandait rien, ne s’approchait pas comme les autres enfants. Elle regardait simplement, captivée par chacun de ses mouvements.

Dmitri s’interrogea. Attendait-elle quelqu’un ? Il continua son travail tout en jetant discrètement des regards vers elle. Mais elle ne bougeait pas. Plus le temps passait, plus il ressentait l’envie de briser ce silence pesant.

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— Tu aimes regarder ? demanda-t-il avec un sourire.

La fillette sursauta légèrement, comme si elle ne s’attendait pas à être remarquée.

— Euh… oui, je regarde juste, murmura-t-elle timidement.

— Tu veux un ballon ? proposa-t-il, espérant l’inciter à se rapprocher.

Elle secoua la tête, baissant les yeux.

— Non… Maman dit que les jouets, c’est pour les autres. Pas pour nous.

Ces mots, prononcés avec une telle simplicité, lui serrèrent le cœur. Elle ne suppliait pas, ne se plaignait pas. Elle énonçait juste une vérité qu’elle avait intégrée trop tôt.

Dmitri sentit un pincement au fond de lui.

— Tu sais quoi ? dit-il d’un ton léger. Ce lapin, il n’est pas destiné à “quelqu’un”. Il est pour toi. Juste pour toi.

La petite fille releva la tête, les yeux grands ouverts, hésitante. Puis, après un instant de silence, elle chuchota :

— Vraiment ?

Dmitri acquiesça et, avec une attention particulière, il gonfla un ballon, le tordit délicatement, sculpta des oreilles, une queue… Puis, avec un sourire, il lui tendit le lapin terminé.

Elle le prit doucement, comme si elle craignait qu’il disparaisse entre ses mains.

— Merci… souffla-t-elle. Son regard était empreint d’une lumière que Dmitri ne pouvait oublier.

Mais alors qu’il la voyait serrer son ballon contre elle, il ressentit que ce simple geste n’était pas suffisant.

— Attends ici, dit-il en se levant brusquement.

Il fouilla dans son stand, rassembla plusieurs ballons en formes d’animaux et de fleurs, des jouets qu’il gardait en réserve. Puis il revint vers la fillette.

— Prends-les, dit-il en les déposant délicatement dans ses bras.

Elle recula légèrement, prise de court.

— Mais… C’est trop. Je ne peux pas…

— Bien sûr que si, répondit-il doucement. Parfois, les choses n’ont pas besoin d’avoir une raison. Parfois, c’est juste parce que quelqu’un veut te voir sourire.

Les yeux de la petite fille s’embuèrent légèrement, mais elle ne pleura pas. Elle serra les ballons contre elle et souffla un simple :

— Merci…

Puis, lentement, elle s’éloigna.

Dmitri la regarda partir, une sensation étrange au creux de la poitrine. Il ne savait pas exactement pourquoi il avait fait cela, mais il sentait que c’était important.

Cette nuit-là, il ne trouva pas le sommeil. Il pensait à elle. À ce qu’elle avait pu vivre, à ce qu’elle traversait encore. Il réalisait à quel point un petit geste pouvait avoir un impact immense.

Le lendemain, à sa grande surprise, elle revint.

Elle se tenait devant son stand, différente. Son visage était plus lumineux, ses yeux plus vifs. Elle s’approcha et, avec un léger sourire, dit doucement :

— Merci. Maman était si heureuse. Grand-mère aussi. Elle a dit que c’était le plus beau cadeau.

Dmitri sentit une chaleur douce envahir son cœur. Il n’avait pas besoin de plus.

— Tout ira bien, murmura-t-elle en serrant son lapin contre elle.

Et pour la première fois depuis longtemps, Dmitri sut que, oui, tout irait bien.

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