Notre anniversaire de mariage aurait dû être un moment de célébration, une occasion de se remémorer les souvenirs heureux et de se projeter vers l’avenir. Nous avions tout prévu à l’avance : un dîner intime, des souvenirs partagés, un moment rien qu’à nous.
Mais jamais je n’aurais pu imaginer ce qui allait se produire ce soir-là.
Le dîner s’était déroulé comme prévu. Nous avions choisi notre restaurant préféré, ce petit endroit chaleureux où nous avions tant de souvenirs. L’ambiance tamisée, son sourire complice, nos rires échangés… Tout semblait parfait. Après notre repas, nous sommes rentrés à la maison, savourant un dernier verre de vin sur le canapé.
C’est alors que Tom s’est tourné vers moi, son regard étrangement grave.
— Sara, il faut qu’on parle.
Son ton n’avait rien de romantique ni de joyeux. Je me suis tendue, sentant qu’un moment inattendu allait bouleverser la soirée.
Il a sorti une feuille de papier soigneusement pliée de sa veste et me l’a tendue. Confuse, je l’ai dépliée et mon cœur a manqué un battement.
C’était une facture.
Une liste détaillée des dépenses qu’il avait engagées au fil des années pour moi : des cadeaux d’anniversaire, des vacances, des repas au restaurant… Chaque ligne soigneusement calculée, additionnée, pour aboutir à une somme astronomique.
— Je veux que tu me rembourses tout, a-t-il déclaré d’un ton sec.
J’ai d’abord cru à une blague. Mais son expression impassible ne laissait aucun doute : il était sérieux.
— Tu veux que je te rembourse… tout ça ? ai-je demandé, la voix tremblante.
— C’est juste, a-t-il répondu. Je t’ai offert beaucoup, et je réalise aujourd’hui que je n’ai jamais rien reçu en retour. Il est temps que les choses soient équilibrées.
Un silence glacial s’est installé. Je fixais la feuille, sous le choc. Chaque souvenir que je pensais être une preuve d’amour n’était pour lui qu’une transaction financière.
Une vague d’émotions m’a envahie : colère, déception, tristesse. J’ai pris une profonde inspiration, plié calmement la facture et l’ai posée sur la table.
Tom me fixait, s’attendant sûrement à ce que je proteste ou que je m’excuse. Mais au lieu de cela, j’ai esquissé un léger sourire.
— Tu as raison, Tom.
Il a haussé un sourcil, surpris.
— Tu veux dire que tu vas me rembourser ?
J’ai secoué la tête.
— Non. Je veux dire que tu as raison : je dois équilibrer les choses. Mais pas comme tu l’entends.
Je me suis levée lentement, laissant mon regard se poser sur lui.
— Pendant toutes ces années, j’ai donné sans compter : mon temps, mon énergie, mon amour. J’ai pris soin de toi, soutenu tes projets, géré notre maison, été présente à chaque instant. Je n’ai jamais compté ce que j’ai investi dans cette relation. Mais toi, si.
Tom a voulu répondre, mais j’ai levé la main.
— Tu as tenu un registre financier de notre mariage, alors moi, je vais régler une autre dette. Celle que j’ai envers moi-même. J’ai dépensé trop d’années à essayer de rendre ce mariage harmonieux, à faire des compromis pendant que tu comptabilisais tes “pertes”. Alors aujourd’hui, je te rembourse… en partant.
Son visage s’est décomposé.
— Attends, tu ne peux pas être sérieuse ! C’est ridicule ! Nous sommes mariés depuis des années !
J’ai attrapé mon sac et me suis dirigée vers la porte.
— Oui, et ces années m’ont appris une chose : l’amour ne se mesure pas en chiffres. Toi, tu veux un remboursement financier. Moi, je reprends ma liberté.
Je me suis arrêtée une dernière fois avant de franchir la porte.
— Tu voulais un remboursement, Tom ? Le voilà. Tu ne me reverras plus jamais.
Cette nuit-là, je suis partie sans me retourner.
Et pour la première fois depuis longtemps, je me suis sentie libre.