C’était censé être une pause. Une simple respiration dans notre quotidien fatigué après quinze ans de vie commune. Maxime m’avait regardée droit dans les yeux, les mâchoires serrées : « Juste un mois, Clara. On a tous les deux besoin d’un peu d’air. Je resterai ici, toi, rends visite à ta sœur à Lyon. » J’avais accepté, naïvement, pensant que c’était une tentative pour sauver ce qui pouvait encore l’être. J’avais fait ma valise, le cœur lourd mais rempli d’espoir. Et je suis partie.
De retour à Bordeaux un peu plus tôt que prévu, après trois semaines à ressasser nos souvenirs dans l’appartement froid de Sophie, j’ai décidé de ne pas le prévenir. Une surprise. J’avais même acheté des croissants. Mais en sortant du taxi devant notre pavillon, mon monde s’effondra. La voix d’Éric, notre voisin de palier, s’est élevée derrière moi : « Clara ? Tu rentres déjà ?… Écoute, je voulais pas m’en mêler, mais y a une femme qui vient chez vous depuis deux semaines. Tous les jours. Ce matin encore, sa voiture est là. » Ma main serra machinalement le sachet en papier. Il est devenu humide. Moi aussi.
Je me suis avancée jusqu’à la porte. Mes clés s’enclenchèrent dans la serrure. Silencieuse. J’entrai dans le salon — rien n’avait changé, à part la veste rouge sur le dossier du fauteuil. Une odeur de parfum inconnu flottait dans l’air, sucrée, étrangère. Mes pas me guidèrent jusqu’à notre chambre. La lumière y était allumée. Dans notre lit, une silhouette féminine, dos à moi. Elle riait d’une voix tendre — et Maxime répondit doucement. Je n’ai pas hurlé. Je suis sortie. Lestée de cette vérité.
Aujourd’hui je suis assise sur un fauteuil violet dans le salon de mon nouveau petit appartement. La lumière douce d’une guirlande pend dans la fenêtre, les livres sur l’étagère témoignent d’un besoin de recommencement. Je porte une robe verte à manches longues, boutonnée jusqu’au col. Mes cheveux bruns tombent en vagues sur mes épaules, et ma main touche mon menton, sans que je m’en rende compte peut-être. Sur la table à côté de moi, le café refroidit depuis un moment déjà.
Maxime a nié, puis supplié. Il a pleuré. Il a accusé la solitude, l’épuisement, le hasard. Mais rien de tout cela ne pourra jamais effacer cette image. Cela fait six mois. Je suis seule. Mais lucide. Et en vie.
La Traversée de la Solitude Vers la Lumière
Assise dans ce fauteuil violet, Clara regardait distraitement la lumière chaude des guirlandes s’entrelacer à travers la fenêtre. Son esprit, pourtant, était loin de cette douceur. Elle repensait à Maxime, à ses larmes, à cette femme inconnue qui avait brisé son monde. Comment reconstruire après une telle trahison ? Son regard se posa sur la tasse de café à moitié pleine, oubliée sur la table. Elle soupira profondément et murmura :
« Il faut que je trouve la force de prendre ma vie en mains. Pas pour lui, pas pour cette histoire qui s’est effacée, mais pour moi. »
Un bruit léger à la porte l’interrompit. C’était Sophie, sa sœur, qui venait avec un sourire tendre et un panier rempli de pain frais et de confitures. Elle s’assit près d’elle et posa une main réconfortante sur son bras.
« Clara, tu n’es pas seule. On va traverser ça ensemble, pas à pas. Tu n’as pas à tout porter sur tes épaules. »
Cette phrase fit éclore une lueur d’espoir nouvelle dans le regard de Clara. Elle savait désormais que ce n’était que le début d’un long chemin vers la paix intérieure. Elle se redressa, posa sa main sur son menton, réfléchissant à son prochain pas.
Elle décida d’écrire à Maxime, non pour raviver la douleur, mais pour exiger des réponses vraies et claires, pour elle-même, pour tourner définitivement la page. Le téléphone en main, le cœur palpitant, elle commença à taper :
« Maxime, nous devons parler. Cette fois, vraiment, sans mensonges ni regrets. »
Alors que le message s’envoyait, Clara sentit, malgré la tempête intérieure, qu’une partie d’elle renaissait de ses cendres. La bataille la plus difficile ne faisait que commencer, mais elle était prête à la mener. Pour retrouver la femme forte qu’elle était encore, celle qu’elle avait oubliée derrière les décombres de son histoire passée.