Le Vol des Souvenirs : Héritage Brisé et Ombres du Passé

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Le Vol des Souvenirs : Héritage Brisé et Ombres du Passé

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Cela faisait trois semaines que mon oncle Étienne n’avait plus donné de nouvelles. Trois longues semaines de silence, jusqu’à ce que je reçoive un appel de son notaire. C’est en courant presque que je suis revenue à la maison de mon enfance, certaine qu’il s’agissait de formalités informes, un énième paperasse à signer. Rien ne m’aurait préparée à ce que j’allais trouver ce soir-là.

Devant la porte en bois, encastrée dans le vieux mur de briques, trônait un pot de fleurs fraîches — des géraniums roses. La maison semblait figée dans le calme, mais un détail me frappa immédiatement : deux grands paniers de part et d’autre du porche, l’un rempli de tissus bariolés, l’autre fermé sur une vieille valise brune. Ça n’avait jamais été là. Mon cœur battait fort dans ma poitrine, déjà mal à l’aise sous le ciel tombant.

J’ai poussé la porte. L’odeur était étrangère : un mélange agressif de dissolvant à ongles, de parfum bon marché et de poussière mal balayée. Le carrelage autrefois blanc était terne, témoignant d’une négligence prolongée. Je n’avais jamais vu la maison aussi étouffante.

Et puis je l’ai vue. Assise dos au salon, une silhouette fine, drapée d’un tissu que je reconnus instantanément : la longue robe fluide à motifs bleus et orange, celle de ma tante Claire. La robe qu’elle portait chaque été, avec ses boucles ethniques et ses bracelets tintants.

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Mais ce n’était pas Claire. C’était Justine, l’aide-soignante que mon oncle avait engagée six mois avant sa disparition. Elle était affaissée sur le canapé, jambes croisées, un cocktail à la main. Elle souriait — comme si elle vivait là. Comme si c’était chez elle.

« Tu arrives enfin ? » lança-t-elle sans même se lever, un sourire sur les lèvres. « On t’attendait plus tard. »

Je suis restée figée. « Qu’est-ce que tu fais ici ? »

Elle a levé son verre nonchalamment. « J’habite ici maintenant. Étienne m’en a laissé l’usage. Tu savais qu’il m’avait désignée comme exécutrice testamentaire ? »

Mon souffle s’est coupé net. « C’est faux. C’est moi l’unique héritière. Il me l’avait dit. »

Elle a haussé un sourcil, fausse étonnée. « Il a changé d’avis. Il a tout mis à mon nom deux semaines avant son accident. »

Je sentais ma gorge se serrer. « Il n’aurait jamais fait ça. »

Justine s’est levée, laissant ses bracelets cliqueter à son poignet. Elle s’est avancée, pieds nus sur le tapis rêche. « Écoute, Aline. Je n’ai rien contre toi. Je sais que ça peut paraître injuste. Mais les papiers sont là. L’avocat arrive demain matin. Il va tout éclaircir. »

Je voulais hurler, la faire sortir, la secouer jusqu’à ce que vérité sorte. Mais j’ai simplement reculé, croisant les bras. « Je verrai ça avec l’avocat. »

Elle m’a souri d’un air supérieur. « Parfait. D’ici là… évite de te servir dans le frigo. Certaines choses ici m’appartiennent désormais. »

Je n’ai pas dormi cette nuit-là. J’ai passé des heures à chercher dans les papiers, à appeler les anciens amis de mon oncle. Tous étaient surpris : il n’avait jamais parlé d’une nouvelle disposition du testament. Et pourtant… le lendemain matin, le notaire est arrivé, impassible, nous faisant asseoir devant la table de la cuisine.

« Étienne a fait une révision du testament peu avant sa mort. Il lègue la maison à Mademoiselle Justine Borel. »

Mes mains tremblaient. Je ne pouvais y croire. C’était impossible. Sauf qu’il avait signé. Daté. Scellé.

Justine s’est levée, a pris les clés du notaire, puis s’est tournée vers moi : « Je te laisse jusqu’à ce soir, Aline. Demain, je change les serrures. »

J’ai quitté la maison de mon enfance cette nuit-là, une valise à la main, les tissus de ma tante repliés dans un panier. J’ai avancé sur les carreaux froids sans me retourner. À travers les larmes, une question me hantait encore : comment avait-elle réussi à voler jusqu’à nos souvenirs ?

Un Combat pour la Vérité : L’Écho d’une Nouvelle Maison

Le lendemain, la lumière du matin semblait froide et trahissait à peine l’angoisse qui me rongeait. J’étais de retour devant la porte en bois, cette fois avec une détermination nouvelle. Le pot de géraniums roses semblait presque cruel, affichant une normalité absurde face au chaos qui s’était emparé de ma vie.

Justine était là, comme un souverain dans son royaume conquis, toujours vêtue de cette robe fluide bleu et orange qui semblait appartenir davantage à un été lumineux qu’à l’hiver glacial de ma douleur. Son sourire narquois ne fléchissait pas malgré mon regard glacial.

« Tu comptes vraiment t’accrocher à ces vieux souvenirs, Aline ? » lança-t-elle, ses bracelets tintant doucement alors qu’elle posait les mains sur ses hanches. « Cette maison, pour moi, c’est un nouveau départ. Étienne me l’a offert, et je ne compte pas reculer. »

Je serrais la poignée de ma valise avec force. « Étienne ne t’aurait jamais trahie. Ce testament, il faut le vérifier, il y a une erreur, ou quelqu’un a dû le manipuler. »

Justine s’approcha, son expression se faisant soudain plus sérieuse. « Tu crois pouvoir prouver ça ? Ou est-ce que tu veux simplement t’accrocher à une histoire que tu refuses de lâcher ? »

Je me rappelais alors des papiers éparpillés, des appels à ses amis, des rumeurs passées. Une idée germa dans mon esprit ; peut-être que la solution n’était pas seulement dans les documents, mais dans le passé lui-même.

« Attends, » dis-je, mes yeux rencontrant les siens. « La robe que tu portes… c’était celle de ma tante Claire, non ? » Je ne pouvais m’empêcher d’être troublée par ce mimétisme étrange.

Elle haussa les épaules, nonchalante. « Étienne avait un goût pour les choses anciennes. Peut-être que j’en suis juste digne? »

Mais une photo surgit dans mon esprit — moi, Claire, et Étienne, assis dans le jardin, riant sous un soleil doux. Et si derrière cette appropriation se cachait autre chose ? Quel secret oubliait-elle de révéler ?

Je pris une profonde inspiration. « Il y a plus dans cette histoire. Demain, j’irai voir l’avocat, mais ce soir, je reste. Parce que ce combat ne concerne pas seulement une maison… c’est notre passé, nos racines. »

Justine esquissa un sourire énigmatique, tandis que le ciel s’assombrissait doucement. « Alors préparons-nous, Aline. Ce ne sera pas facile, mais peut-être que, dans cette maison, il reste encore des histoires à raconter. »

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