Parfois, la véritable nature des personnes se dévoile quand on s’y attend le moins. Ce fut mon cas lorsque mon voisin a entrepris, sans aucun avertissement, de combler mon précieux étang pendant mon absence. Sous mes airs de paisible septuagénaire se cachait une détermination forte, prête à faire face à toute injustice.
Je suis Agnès, âgée de 74 ans, et cela fait vingt ans que cette maison chaleureuse abrite ma famille. J’y ai élevé mes trois enfants, et aujourd’hui, mes six petits-enfants viennent souvent passer leurs après-midis à jouer ou profiter des pique-niques d’été dans notre jardin. Ce lieu est marqué par un charmant étang creusé par mon arrière-grand-père il y a plusieurs décennies. Cet étang symbolisait le centre de nos rassemblements familiaux, un endroit de joie où les enfants s’amusaient dans l’eau, et où les souvenirs affluaient.
Toutefois, cinq ans auparavant, l’arrivée de Derek, mon nouveau voisin, a bouleversé cette harmonie. Dès le départ, il s’est montré hostile à mon étang.
« Agnès ! » criait-il fréquemment par-dessus la clôture, « Ces grenouilles m’empêchent de dormir la nuit ! Ne peux-tu pas les faire taire ? »
Je répondais en riant : « Derek, leurs chants sont leurs berceuses gratuites, sans horaires ni contraintes ! »
Sensible à son mécontentement, il se plaignait aussi des moustiques : « Et toutes ces moustiques ! Cet étang est un véritable repaire d’insectes nuisibles ! »
Je répliquais en lui indiquant la pile de branches mortes dans son propre jardin : « Peut-être que d’où viennent ces insectes est de là-bas ! »
Malgré ses râlements, je restais sereine, persuadée qu’il finirait par se lasser. Mon intuition fut malheureusement erronée.
Un beau jour, je décidai de rendre visite à ma cousine dans une autre région, pour quelques jours de détente et de discussions tranquilles. Mais à mon retour, la vision que j’eus me glaça le sang. En gareant ma voiture, je remarquai immédiatement que la surface claire et paisible de mon étang n’existait plus. À la place, il ne restait qu’un sol retourné, boueux et chaotique. Mon cœur s’emballa alors que je sortais précipitamment du véhicule.
Mme Carter, ma voisine d’en face, se précipita pour m’aider : « Agnès, quelle chance que vous soyez revenue ! J’ai essayé de les arrêter, mais ils disaient avoir reçu des ordres très clairs. »
« Quels ordres ? » demandai-je, subjuguée par ce spectacle désolant.
« Une équipe est venue hier, elle a affirmé avoir été mandatée pour assécher et enterrer l’étang. Je te jure qu’ils avaient tous leurs papiers officiels. »
Ce fut un coup dur au cœur. Vingt ans de souvenirs anéantis en un instant. Et je connaissais parfaitement le commanditaire.
« Derek, » murmurai-je en serrant mes mains.
« Et maintenant ? » s’enquit Mme Carter, inquiète.
Je repris confiance et m’affirmai : « Je vais lui montrer ce dont je suis capable. Derek croit naïvement qu’il peut berner une femme âgée. Il va vite apprendre que je ne suis pas à prendre à la légère. »
Ma première démarche fut de contacter ma famille. Ma fille Clara, très en colère, insista : « Maman, il faut appeler la police immédiatement ! »
Je l’apaisai : « Calmons-nous, commençons par rassembler des preuves. »
C’est alors que ma petite-fille Sophie se rappela de la caméra installée à côté d’un grand érable, destinée à observer les oiseaux près de l’étang.
Nous revîmes les images et c’était bien Derek qui dirigeait l’équipe chargée de combler l’étang, l’air fier de son