Quand j’ai annoncé à ma belle-mère que je préparerais moi-même notre gâteau de mariage, elle s’est moquée de moi en riant.

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Ma belle-mère, Monique, n’a jamais exercé un métier de sa vie, et ça se ressent à chaque fois qu’elle ouvre la bouche. La première fois que je l’ai rencontrée, il y a trois ans, elle m’a dévisagée comme si j’étais une mauvaise affaire. Son regard a balayé ma tenue bon marché, puis s’est arrêté sur mes chaussures usées.

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« Alors comme ça, tu travailles… en relation client ? » lança-t-elle, avec une pointe de mépris, comme si je passais mes journées à faire le ménage.

« Je suis responsable communication, » répondis-je calmement.

« Oh, c’est charmant. Il faut bien que quelqu’un fasse ces petits boulots, » ricana-t-elle.

Mon mari, Julien, serra discrètement ma main sous la table, visiblement gêné par son attitude. Plus tard, il me prit dans ses bras et murmura : « J’admire ta détermination et ta passion pour ce qui compte vraiment. » À ce moment-là, j’ai su que j’allais l’épouser un jour.

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Quelques mois avant notre mariage, Julien perdit son travail à cause d’une réorganisation. Nous avions déjà réduit tous nos frais pour éviter de nous endetter pour la cérémonie.

« On pourrait demander un coup de pouce à mes parents, » suggéra-t-il un soir, en regardant notre tableau Excel sur la table.

Je levai les yeux au ciel. « Sérieusement ? Il faut revoir tes plans. »

Il fit la moue, passant la main dans ses cheveux : « Non, ma mère nous le ferait payer pendant des années… »

« Alors on s’en sortira par nous-mêmes. Pas de dette, pas de pression. »

« Exactement. À notre façon. Sans dette, sans culpabilité, sans compromis. »

« Et surtout, pas d’argent de ta mère ! »

Il sourit : « Pas question ! »

Puis, avec tendresse, il ajouta : « C’est pour ça que je t’aime, Claire. Tu refuses les chemins faciles. »

Cette nuit-là, allongée dans le noir, une idée me traversa l’esprit : « Je vais faire moi-même notre gâteau de mariage. »

Julien se redressa, surpris : « Tu es sûre ? C’est beaucoup de pression… »

« Je cuisine depuis mon enfance ! » répondis-je avec assurance. « Tu te rappelles mes cookies à la fac ? Tout le monde en raffolait. »

Il sourit en caressant ma joue : « Ils étaient parfaits. Et je t’aime encore plus pour ça. »

« C’est décidé : je m’occupe du gâteau. »

Le dimanche suivant, nous étions chez ses parents, dans leur grande maison décorée avec goût : comptoirs en granit, tableaux contemporains aux murs. Son père, Bernard, était chaleureux, mais concentré sur ses affaires.

Quant à Monique… impossible de l’ignorer.

« Nous avons finalisé le menu avec le traiteur, » annonçai-je au dessert, pour les impliquer. « Et j’ai décidé de préparer moi-même le gâteau. »

La fourchette de Monique s’écrasa dans son assiette. « Pardon ? Tu vas faire le gâteau ? »

« Oui, moi-même, » répétai-je, me sentant presque enfantine, comme si je devais justifier ma décision.

Elle ricana : « Ma chérie, tu plaisantes ? »

« Pas du tout, » affirmai-je, redressant les épaules. « Je teste des recettes depuis des semaines. »

Elle échangea un regard avec Bernard : « Faire son propre gâteau ? On dirait un goûter champêtre ! »

Julien glissa sa main sur mon genou : « Maman, Claire est une pâtissière exceptionnelle. »

Monique haussa les épaules en s’essuyant la bouche : « Quand on a grandi dans un milieu moins favorisé, on garde cette mentalité. »

Mes joues s’empourprèrent et je mordis ma lèvre, amère.

« Nous ferons ça à notre façon, » insista Julien. « Sans dettes. »

Elle soupira théâtralement : « Laisse-moi au moins appeler Laurent, le meilleur pâtissier de la région. Considère ça comme mon cadeau. »

« Maman, on ne veut rien recevoir de toi, ni pour le gâteau, ni pour autre chose. »

Le trajet du retour fut silencieux. Devant notre immeuble, Julien me lança : « Tu vas faire le plus beau gâteau qu’on ait jamais vu, Claire. Et il sera meilleur que tout ce que Laurent aurait pu faire. »

Je l’embrassai, pleine d’espoir.

Les semaines qui suivirent furent un tourbillon de crème chantilly et de tests de recettes. Je peaufinais mes décorations jusqu’à avoir les mains engourdies. Nos amis goûtaient mes essais, je regardais des heures de tutoriels pour maîtriser l’art des gâteaux à étages.

La veille du mariage, j’assemblai le gâteau dans la cuisine du lieu de réception : trois étages parfaits — génoise vanille, insert framboise, glaçage meringué, ornements floraux en pâte à sucre.

Je restai en retrait, incrédule : moi, Claire, issue d’une famille modeste, j’avais créé une œuvre d’art.

Le responsable du site passa, les yeux grands ouverts : « Vous vous êtes surpassée ! On dirait une pièce montée d’une grande pâtisserie. »

La fierté me submergea : « Merci. C’était un travail d’amour. »

Le matin du mariage fut radieux. Julien et moi choisîmes de nous préparer ensemble, brisant la tradition de la première rencontre séparée.

« Prête à devenir ma femme ? » demanda-t-il en ajustant sa cravate.

« Plus que jamais ! » répondis-je en lissant ma robe simple mais élégante, trouvée dans une boutique d’occasion.

La cérémonie fut exactement ce dont je rêvais : intime, chargée d’émotions, entourée de nos proches. Quand Julien prononça ses vœux, la voix tremblante, je ne voyais que lui. Les fleurs, la décoration… rien n’avait d’importance comparé à notre engagement.

Au vin d’honneur, je retins mon souffle quand le gâteau fut présenté. Un « oh ! » unanime s’éleva, suivi de murmures admiratifs :

« Avez-vous vu ce gâteau ? » « Il est splendide ! » « C’est qui le pâtissier ? »

« Wahou ! »

La cousine de Julien, Élodie, me rejoignit au bar : « Claire, ce gâteau est incroyable ! C’est quelle pâtisserie ? » Avant que je ne réponde, Julien arriva, le bras protecteur autour de ma taille : « C’est Claire qui l’a fait, » annonça-t-il fièrement.

Élodie resta bouche bée : « Sérieux ? C’est carrément professionnel ! »

Pendant tout le repas, nos invités ne cessèrent de venir nous féliciter. Marc, le meilleur ami de Julien, engloutit trois parts. Sa tante déclara que c’était le meilleur gâteau qu’elle ait goûté. Même le photographe demanda plus de clichés pour son portfolio.

J’étais au comble du bonheur… jusqu’à ce que Monique prenne le micro.

Elle tapota doucement son verre de champagne et tous se turent :

« Je voudrais dire un mot à propos de ce gâteau magnifique dont tout le monde parle, » commença-t-elle, sa voix résonnant. Julien et moi échangions un regard inquiet : ce n’était pas prévu. « Bien sûr, j’ai dû intervenir pour faire le gâteau ! Je ne pouvais pas laisser mon fils avoir un dessert banal le jour de son mariage ! » Je restai figée, la fourchette suspendue. Cette bouchée tant attendue avait le goût amer de la trahison.

Elle s’attribuait le mérite de mon travail, celui pour lequel j’avais donné tant de moi, en secret pour ne pas gâcher la fête. Comment osait-elle ?

Je me levai à moitié, prête à répondre, mais Julien posa sa main sur mon bras. Trois invités se dirigeaient déjà vers Monique.

« Laisse-la faire, » murmura-t-il, les yeux brillants d’une lueur mystérieuse. « Elle regrettera. »

« Mais— »

« Fais-moi confiance. Parfois, les choses s’arrangent toutes seules. »

À contrecoeur, je me rassis, regardant Monique recevoir les applaudissements, récolter les louanges sans broncher.

Le reste de la soirée se déroula entre sourires forcés et politesses vides. Seul le soutien indéfectible de Julien me maintint ancrée.

Ce ne fut que dans notre chambre d’hôtel, ce soir-là, que je laissai enfin mes larmes couler :

« Je n’arrive pas à croire qu’elle ait fait ça, » sanglotai-je. « C’est futile, et en même temps… ça me déchire. »

Julien me serra contre lui : « Ce n’est pas rien. C’était ton triomphe… et elle te l’a volé. »

« Pourquoi agit-elle ainsi ? » demandai-je, la voix brisée.

« Ta belle-mère a toujours vécu par le regard des autres. Elle ne comprend pas qu’on puisse vivre autrement. » Il essuya une larme sur ma joue. « C’est ce que j’admire chez toi : tu es authentique, sans chercher à plaire. »

« Je voulais juste un jour sans drame. »

« Je sais. Mais souviens-toi : elle le paiera un jour. »

Le lendemain, mon téléphone sonna. Le nom de Monique s’affichait. J’hésitai, puis décidai de répondre :

« Bonjour, Monique. »

« Claire, j’ai besoin de ton aide. »

Je me redressai : « Que se passe-t-il ? »

« Mme Lefèvre m’a appelée. Elle organise une soirée caritative et veut un gâteau sur mesure. De moi. Elle a adoré… ton gâteau de mariage. »

Je restai muette.

« Claire ? Tu m’entends ? »

« Oui… mais pourquoi ? »

« Il me faut la recette. Et les explications pour les fleurs en pâte à sucre. »

« La technique de décoration ? Je pensais que c’était toi. »

« Peut-être un effort commun. »

Je souris : « Commun ? Quand ? Pendant mes semaines de tests ? Ou mes nuits blanches ? Ou à 2 h du matin, à poser les fleurs ? »

« Claire— »

« Préviens-moi quand les commandes seront prêtes. J’enverrai les invités te voir. »

Je raccrochai. Julien me trouva dans la cuisine, incrédule :

« Ta mère a appelé. Elle doit faire le gâteau pour la soirée caritative. »

Ses yeux s’écarquillèrent, puis il éclata de rire : « Qu’est-ce que tu lui as dit ? »

« Juste que je voulais être prévenue quand elle sera prête ! »

Il me serra dans ses bras : « Je t’ai déjà dit que j’ai épousé la femme la plus incroyable ? »

En quelques jours, la supercherie de Monique s’effondra. Incapable de réaliser un gâteau, elle admit n’avoir rien fait. Mme Lefèvre me contacta :

« On m’a dit que la vraie pâtissière, c’est vous. J’aimerais beaucoup que vous fassiez notre gâteau. »

De commande en commande, mon activité grandit : gâteaux personnalisés pour tous événements.

Pour Thanksgiving, de nouveau chez les parents de Julien, Monique m’apporta un gâteau industriel :

« Je l’ai acheté au marché. Au moins je ne mentirai plus. »

J’acquiesçai. Ce n’était pas un pardon, mais… c’était un début.

Plus tard, près de la cheminée, Bernard confia :

« En quarante ans de mariage, je n’ai jamais vu Monique reconnaître ses torts. »

Je regardai Monique, penchée sur un album photo avec Julien, et répondis :

« Parfois, l’honnêteté vaut plus que tout. »

Sur le chemin du retour, Julien prit ma main :

« Mon cousin Paul vient de se fiancer. Il aimerait que tu crées leur gâteau de mariage. »

Je souris, serrant ses doigts : « Avec plaisir. »

« Je lui ai dit que tu serais ravie, » ajouta-t-il. « Parce que c’est ça que tu fais : créer la beauté avec tes mains et ton cœur, sans rien attendre. »

Et tandis que nous rentrions, je compris que je n’avais besoin de l’approbation de personne — ni de Monique, ni d’autres. J’avais Julien, qui croyait en moi. J’avais mes mains, capables de faire des merveilles. Et surtout, j’avais appris une chose essentielle : la vérité finit toujours par éclater, aussi haut qu’on monte les étages d’un gâteau réussi.

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