Chaque matin, à 7h précises, une femme âgée pénétrait dans un petit magasin d’alimentation situé au coin de la rue. Elle marchait lentement, avec des gestes mesurés et un visage serein. Elle choisissait toujours les moments les plus calmes, quand les étagères étaient encore pleines de produits frais, et que les employés terminaient leur nuit de travail tandis que les clients pressés n’étaient pas encore arrivés.
Elle se promenait parmi les rayons, scrutant les étiquettes des prix. Dans ses mains, un portefeuille usé, mais soigneusement rangé. Elle l’ouvrait doucement, comptait ses pièces, pas par manque de confiance, mais par respect pour chaque centime qu’elle possédait.
Quand elle arriva au rayon des produits laitiers, elle s’arrêta un peu plus longtemps. Ses yeux parcouraient les rangées de bouteilles, mais elle n’en prit aucune. Un léger soupir s’échappa d’elle, elle referma son portefeuille et se dirigea vers l’endroit où elle prenait toujours son pain.
Un jeune employé l’aborda, poliment, tout en passant à côté d’elle.
— Puis-je vous aider ? — demanda-t-il.
— Non, merci, jeune homme… Je suis juste en train de regarder — répondit-elle avec un faible sourire. — Parfois, il suffit de regarder.
Elle s’approcha de la caisse, déposa le pain sur le tapis roulant et, avec une grande attention, commença à compter les pièces. D’autres clients s’agglutinèrent autour d’elle. Certains étaient nerveux, d’autres vérifiaient leur téléphone. Mais la vieille dame restait concentrée, et soudainement, elle s’adressa timidement au caissier :
— Excusez-moi… j’aimerais aussi du lait, mais il me manque un peu. Puis-je payer le reste la prochaine fois ? Je vous promets que je règlerai tout.
Le caissier la regarda puis détourna son regard. Sa voix était froide, dépourvue de colère, mais aussi de compassion :
— Désolé, mais nous ne faisons pas ça ici.
La femme acquiesça doucement, posa le lait dans son panier, prit son pain et se dirigea vers la sortie. Sur son visage, il n’y avait pas de rancune, seulement de la fatigue. Pas une fatigue physique, mais celle qui s’accumule au fil du temps, lorsqu’on entend trop souvent le mot « non ».
C’est alors qu’une jeune femme s’approcha de la caisse. Elle avait des cheveux roux, portait un manteau élégant et dégageait une certaine assurance.
Elle posa un billet sur le comptoir et dit tranquillement :
— Ajoutez au compte une bouteille de lait et quelques légumes et fruits. C’est pour cette dame.
Le caissier la regarda, surpris.
— Tout va bien, continua la jeune femme. Parfois, un simple geste peut changer la journée de quelqu’un.
Elle s’avança alors vers la vieille dame et lui dit doucement :
— Venez, je vais vous accompagner. Et ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas seule.
La vieille dame resta figée sur place, regardant la jeune femme comme si elle n’arrivait pas à croire ce qui se passait. Puis, ses yeux se remplirent de larmes.
— Vous ne savez pas… à quel point c’est important. Merci. Merci du fond du cœur.
La jeune femme lui sourit simplement :
— Il n’y a pas de quoi. C’est juste humain. Vous méritez d’être prise en soin.
Les deux femmes sortirent ensemble du magasin. La jeune femme portait le sac, tandis que la vieille dame serrait contre sa poitrine le pain et la bouteille de lait. Et à cet instant, elle souriait à nouveau, un sourire sincère qu’elle n’avait pas affiché depuis longtemps.
Parfois, il suffit d’une personne pour ne pas passer à côté de quelqu’un.
On ne peut pas toujours changer le monde, mais on peut changer la journée de quelqu’un, son regard, et sa foi en la bonté humaine.
Être bienveillant n’est pas une faiblesse, c’est une véritable force, celle qui fait de nous des humains.