Mon mari m’a trompée, j’ai demandé le divorce — mais je ne lui ai toujours pas annoncé ma grossesse.

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Je n’arrive pas à croire que Matthieu soit parti pour de bon. Non, ce n’est pas possible. Il est juste énervé à cause du désordre que j’ai causé dans l’appartement. J’ai clairement eu tort de déchirer ses affaires et de tout jeter. Matthieu va finir par se calmer, revenir vers moi. Après tout, nous sommes une famille. Et un bébé est en route. Comment pourrions-nous même envisager un divorce ? C’est absurde.

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Pour ne pas sombrer dans la tristesse et le désespoir, je me plonge dans le ménage. Je m’interdis de penser au scandale qui a éclaté entre nous, ni à sa demande de divorce. Nous finirons par nous réconcilier, et cette agitation ne fera que nuire à l’enfant qui grandit en moi.

Je me concentre sur les tâches ménagères. Je rassemble les vêtements déchirés de Matthieu, je ramasse les morceaux cassés. Plusieurs sacs poubelles se remplissent rapidement. Puis, je commande en ligne ses vêtements : costumes, chemises, jeans, t-shirts. Le livreur les apportera dans quelques jours.

Il est déjà tard, bien après minuit, mais je prépare le dîner. Je cuis un rôti comme il aime, accompagne de légumes grillés, son plat préféré. Il est une heure trente, et Matthieu n’est toujours pas rentré. Tant pis. Je n’appellerai pas, qu’il reste à l’hôtel. Il reviendra demain.

Mais le lendemain, toujours pas de Matthieu. Je repousse la panique et continue d’attendre. Pour m’occuper, je feuillette nos albums photos, nos clichés de mariage. On a l’air si heureux, si amoureux. Ce jour-là était magnifique, exactement comme je l’avais rêvé. Puis, nos vacances aux îles tropicales… deux semaines fusionnelles. Je croyais que notre bonheur durerait toujours.

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Le soir venu, l’absence de Matthieu me pèse lourdement. Chaque fois que la pensée du divorce m’effleure, un frisson me parcourt l’échine. Je refuse d’y croire. Ça ne peut pas être vrai.

Le lundi, je sais que je dois me distraire à tout prix, sinon la folie me guette. Je prépare un repas spécial pour lui. Il travaille aujourd’hui, il devrait rentrer vers neuf heures. Je concocte un borscht et plusieurs salades qu’il adore. Je jette des coups d’œil à mon téléphone, espérant un message, un signe de lui. D’habitude, Matthieu m’envoie des textos dans la journée. Mais là, c’est le silence total depuis deux jours.

Après avoir éteint les plaques, pour éviter que l’angoisse ne m’envahisse, je file au salon de beauté pour me faire chouchouter. Puis, je fais du shopping, histoire de fuir mes pensées. Toujours rien sur mon portable : ni texto, ni appel manqué.

Une peur sourde serre ma poitrine. Je décide alors d’appeler mes amies pour proposer une sortie. Elles sont toutes célibataires et disponibles en semaine. Parmi notre groupe d’université, j’étais la seule à m’être mariée à vingt ans. Les autres filles s’étaient concentrées sur leur carrière.

Quelques-unes acceptent immédiatement. Pauline, Rita, et Marie arrivent presque en même temps, un peu fatiguées mais pleines de vie. Elles partagent leurs dernières nouvelles : une promotion, un voyage en Argentine, un achat d’appartement.

« Et toi, Juliette, quoi de neuf ? » me demande Rita en souriant. « Dis pas que tu es toujours la même ménagère. »

— « Je suis fière d’être femme au foyer, » rétorqué-je.

Elles me taquinent souvent sur mon rôle. Elles ne comprennent pas ce que c’est d’aimer et d’être aimée. Marie a vécu une histoire qui n’a pas marché, Rita multipliait les aventures sans lendemain, et Pauline a des exigences très élevées pour ses relations.

Je ne leur parle pas de ma grossesse ni de la menace de divorce. Je refuse leur pitié. Peut-être que tout cela n’est qu’une mauvaise passe. Matthieu ne peut pas vraiment vouloir partir, pas avec un bébé en route.

— « Bon les filles, il est tard, je dois rentrer, » dis-je en glissant l’argent sur la table.

— « Mais il est seulement 23h ! » proteste Pauline.

— « C’est tard pour une femme mariée. »

— « Quoi, Matthieu ne peut pas dormir sans toi ? » raille Rita.

— « J’espère bien que non. »

Elles roulent des yeux en chœur.

— « Tu nous invites et tu pars la première, » s’exclame Marie.

— « J’ai besoin d’être auprès de mon mari, » je réponds en me levant.

Je me dirige vers la sortie, attrape un taxi, et le temps d’attente semble durer une éternité. La peur m’envahit : rentrer dans l’appartement vide, sans Matthieu.

Il doit être rentré, non ? Il ne peut pas vivre à l’hôtel si longtemps !

Un doute s’insinue : « Et s’il n’était pas à l’hôtel… mais avec quelqu’un d’autre ? » Je chasse cette pensée.

Pourtant, quand j’ouvre la porte et que le silence glacé m’accueille, mes mains tremblent, des larmes montent. Le divorce ne sera pas qu’une idée : c’est une réalité qui s’impose.

Je m’effondre contre le mur de la chambre, sanglote en silence, refuse d’accepter ce désastre. Mais plus je pleure, plus la solitude me submerge.

Matthieu est parti. Matthieu m’a abandonnée.

Je frappe ma tête contre le mur plusieurs fois, puis me laisse glisser au sol en serrant mes genoux, balançant mon corps en sanglots. Je rêve que la porte claque et qu’il rentre. Mais il n’y a que le silence, cruel et moqueur.

D’une force que je ne soupçonnais pas, je me traîne jusqu’à l’ordinateur. Je me connecte sur le site officiel, et mon cœur rate un battement : Matthieu Alexandre Dupont a officiellement demandé le divorce. Je dois valider.

Je tremble comme une feuille, envahie par la douleur, la peur, la panique. Une sueur froide me descend le long de la nuque. Mes tempes battent violemment. « Matthieu est parti pour de bon. » Je couvre ma bouche pour étouffer un cri.

C’est fini. Vraiment fini.

Je clique sur « confirmer ». À cet instant, une rupture se fait dans mon esprit : l’amour bascule en haine.

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