Depuis que mes nouveaux voisins avaient emménagé, ils ne supportaient pas la couleur vive de ma maison jaune. Ils me répétaient sans cesse de la repeindre, mais j’aimais tellement cette teinte éclatante que je refusais catégoriquement.
Un jour, j’ai dû partir pour un déplacement professionnel de deux semaines. À mon retour, ce que j’ai vu m’a glacée d’effroi : ma maison avait été repeinte… en gris.
Je n’en croyais pas mes yeux. Ils avaient osé. Mes voisins, ces jeunes couples prétentieux, toujours bien habillés, ne supportaient pas mon « petit coin de soleil », comme mon défunt mari appelait la maison.
Pour eux, le jaune était un affront à leur goût aseptisé. Pour moi, c’était un hommage vibrant à notre histoire.
Furieuse, j’ai décidé de leur donner une bonne leçon.
Je suis allée frapper à leur porte, mais personne n’a daigné répondre. Évidemment.
Heureusement, M. Moreau, un voisin âgé et respecté, est intervenu. Il avait été témoin de la scène et m’a montré des photos où l’on voyait clairement des peintres en train de couvrir ma façade.
— « Ils avaient un ordre de la mairie, » m’a-t-il expliqué, l’air embarrassé. — « Ils ont même montré ce papier à la police, disant que c’est vous qui aviez demandé les travaux. »
Les documents portaient le nom des Durand. Paiement en espèces.
Mais je ne suis pas du genre à me laisser faire, surtout quand il s’agit de la maison qui porte les souvenirs de mon mari.
Je suis donc allée directement au siège de l’entreprise de peinture. Le responsable bafouillait quand il a compris qu’on l’avait dupé.
— « Ils prétendaient que c’était leur maison, » a-t-il dit en montrant des photos.
— « Et vous n’avez même pas vérifié les papiers de propriété ? Vous n’avez pas consulté les voisins ? Vous avez détruit mon chez-moi pour quoi ? »
Au lieu de porter l’affaire devant un tribunal, j’ai opté pour une revanche plus originale, plus créative… et surtout publique.
Le lendemain, tout le quartier s’est réveillé au bruit d’une explosion de couleurs.
J’avais engagé les meilleurs artistes de rue de la ville.
En trois jours, ma maison était métamorphosée : un jaune éclatant, sublimé par des motifs solaires, des tournesols géants, des citations célébrant la joie et la liberté. Sur le toit, une phrase imposante :
« La lumière triomphe de la grisaille. Avec amour, V. »
L’histoire a fait le tour des médias locaux : journaux, blogs, émissions de télévision. Tout le monde voulait savoir qui étaient ces voisins qui avaient tenté d’effacer le soleil.
Quant aux Durand ? Ils se cachaient désormais derrière leurs volets fermés, devenus la risée du quartier et l’objet d’un mépris silencieux.